Lisia Briot, première doctorante du PPR Autonomie

Lisia Briot, agrégée d’histoire, est la première doctorante recrutée dans le cadre d’un projet de recherche financé par le PPR Autonomie. Rattachée au LARHA (Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes), elle a démarré en janvier dernier sa thèse sous la direction de Christophe Capuano. Elle revient pour nous sur son parcours, et ce qui l’a motivée à rejoindre le projet KAPPA.

PPR Autonomie – Lisia Briot, vous êtes agrégée d’histoire, et avez rejoint en janvier dernier le projet KAPPA pour y conduire une thèse en histoire. Pouvez-vous revenir sur votre parcours, et ce qui vous a motivé à rejoindre ce projet et à travailler sur les politiques publiques de l’autonomie ?

J’ai su assez tôt que je voulais faire de l’enseignement et de la recherche dans le supérieur et cette motivation a été le fil directeur de mon parcours. Après trois ans de classe préparatoire littéraire au lycée Champollion (Grenoble), j’ai réalisé un master de recherche en Histoire à l’Université Grenoble-Alpes. Puis j’ai rejoint Lyon pour préparer l’agrégation d’histoire, que j’ai obtenu en juin 2022, à mon plus grand plaisir. Suite à cela, j’ai cherché à compléter mon parcours académique en réalisant une thèse, toujours en histoire. Ce doctorat est donc l’aboutissement d’un long parcours académique, toujours motivé par cette envie de mêler l’activité de recherche à celle d’enseignement.

Lorsque nous nous sommes rencontrés avec Christophe Capuano, je souhaitais réaliser une thèse autour de la thématique du care, plus précisément des métiers du care. Christophe m’a alors parlé du projet KAPPA et de la possibilité d’en faire partie. J’ai tout de suite adhéré au projet. Je trouve le sujet du programme très actuel. Les concepts d’ « autonomie » et de « dépendance » sont des sujets d’étude particulièrement intéressants, tant du point de vue historique que politique. Surtout, j’aime l’idée de créer des ponts entre le passé et le présent, de participer à créer un regard critique sur la société actuelle. Pour moi le métier d’historienne sert essentiellement à ça.

PPR Autonomie – Votre thèse s’intitule « Les origines d’une segmentation. La prise en charge et l’accompagnement des personnes handicapées et âgées dépendantes en France des années 1950 à nos jours. Territoires, acteurs, réseaux ». Pouvez-vous nous en dire plus sur cette recherche ?

Ce titre est un peu long, je serai sûrement amenée à le changer d’ici la fin de ma thèse ! Mais il dit bien les enjeux de cette recherche, à savoir l’analyse, dans le temps long, des populations dépendantes, et de la façon dont les territoires les ont accompagnées et prises en charge depuis le milieu du XXe siècle jusqu’à nos jours. Il s’agit alors de se pencher sur la territorialisation des aides et services sociaux, plus précisément sur les variations des ressources locales et des pratiques, sur les espaces d’innovations ou de contraintes. Je vais porter une attention particulière à la question des inégalités dans la mise en œuvre et l’accès aux politiques publiques et aides sociales.

Je m’intéresse également aux acteurs locaux qui entrent en jeu dans cette prise en charge et à leurs interactions, qu’il s’agisse des bénéficiaires, des organisations, mais aussi et surtout des professionnels du soin.

A travers ces axes de recherche, le but de ma thèse est de mettre en lumière des logiques de convergence ou de divergence entre les territoires, ainsi que des phénomènes de structuration de l’aide sociale, notamment en ce qui concerne les professions médico-sociales, dont la plupart s’est développée à la fin du XXe siècle.

PPR Autonomie – Concrètement, comment allez-vous travailler ? Quels sont les enjeux que vous identifiez à étudier une période historique aussi récente, allant de l’après-guerre aux années 2010 ?

Je vais baser mon travail sur deux sources principales : les archives écrites et les entretiens oraux. De ce fait, ma première année est entièrement dédiée au travail bibliographique et à la recherche aux archives. Je travaille sur 3 départements, à savoir le Nord, l’Ardèche et l’Ille-et-Vilaine. Je dois donc aller aux archives départementales et municipales de ces trois territoires pour y collecter des données concernant l’histoire de chacun de ces espaces, au prisme de mon sujet de recherche. Je voudrais également étudier des archives d’association ou d’écoles de formation, qui ne sont pas dans les archives publiques. C’est pourquoi je dois aussi réaliser tout un travail de mise en contact et de recherche d’accès à des fonds privés, ce qui n’est pas chose aisée. Enfin, je compte également faire des entretiens avec des professionnels du soin, de l’aide sociale ou encore des élues et élus locaux, ce qui nécessite que je me mette en relation avec ces personnes pour créer des sources orales, des témoignages, qui viendront compléter mes sources écrites.

Le fait de travailler sur un sujet récent est à très stimulant, car les sources sont nombreuses et variées. Mais cela peut aussi être complexe, car cela peut entraîner des problèmes d’accès et de communication. En effet, certaines sources peuvent contenir des données sensibles, comme des données médicales ou bien financières (par exemple lorsqu’il s’agit de dossiers de bénéficiaires d’allocations), concernant des personnes encore vivantes. Il faut donc demander des autorisations pour avoir accès à ces sources et, si accès il y a, être très attentive au respect des données personnelles. Cela fait partie du jeu et des enjeux de l’histoire contemporaine !

PPR Autonomie – J’imagine que vous avez hâte que le collectif de recherche s’élargisse, et que d’autres doctorants et doctorantes, post-doctorants et post-doctorantes vous rejoignent. Comment est-ce-que vous appréhendez cette expérience de recherche dans le cadre d’un gros consortium interdisciplinaire comme le projet KAPPA ?

En effet, c’est bien d’être la 1ère doctorante mais c’est mieux d’être à plusieurs ! Une doctorante en sociologie devrait bientôt être recrutée pour travailler sur les métiers de la dépendance et je ne peux qu’avoir hâte d’une collaboration avec elle. Nous avons le projet de réaliser des entretiens collectifs, projet que nous devons mettre en place pour le moment. J’attends également avec impatience l’arrivée d’autres doctorantes et doctorants, post-doctorantes et post-doctorants pour d’autres projets, ou tout simplement pour des discussions sur des thématiques communes, qui feront avancer la réflexion.

En tant que jeune chercheuse il est très important de tisser des liens. Réaliser sa thèse peut être un travail très solitaire. Faire partie d’un groupe de travail est très important, tant du point de vue professionnel que moral. On y rencontre des personnes très différentes, qui apportent chacune leurs expériences et leurs savoirs, mais aussi leur soutien. Pour moi, le projet KAPPA représente l’occasion d’expérimenter les liens interdisciplinaires, pas seulement avec les jeunes chercheures et chercheurs, mais aussi avec les autres membres du projet, qui ont tout autant à m’apporter. C’est selon moi l’avantage de réaliser sa thèse dans un consortium tel que KAPPA et j’espère que cela sera une belle expérience de recherche.

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