Chimie et microorganismes

Dans le cadre du défi Chimie et microorganismes mis en œuvre par le CNRS, des projets fortement interdisciplinaires et à forte visibilité internationale ont été lancés. Ils ont permis d’introduire de nouveaux outils de dialogue moléculaire avec le vivant et sur la production et la mise en œuvre de microorganismes réalisant des opérations physico-chimiques sophistiquées selon des stratégies d’ingénierie ou d’évolution dirigée.

Les lois de la physique et de la chimie régissent l’organisation et le fonctionnement des êtres vivants. Jusqu’à récemment, elles ont été mises en œuvre pour rendre compte d’observations bien plus que pour interférer de façon raisonnée et finalisée à l’aide de molécules, même avec les êtres vivants les plus élémentaires. Cette perspective respectueuse est remise en cause par le développement d’approches décomplexées qui se proposent de fabriquer du vivant (voir par exemple le récent rapport Biologie de Synthèse : développements, potentialités et défis, publié par la SNRI). Cependant l’approche maîtrisée que nous avons proposé ici, permet de poser des problèmes inédits de chimie, de biologie, de modélisation, mais aussi de sciences humaines et sociales du fait des implications éthiques des stratégies mises en œuvre. La France dispose d’atouts structurels (formation généraliste des étudiants, valorisation de l’interdisciplinarité, culture de collaborations entre chercheurs,…) pour développer et valoriser ces nouvelles approches.

Sous la responsabilité de Ludovic Jullien (ENS Paris) et de Marc Fontecave (Collège de France) le défi Chimie et microorganismes s’appuyait sur le fort potentiel scientifique existant au sein du consortium Paris Sciences et Lettres. Les équipes travaillant au sein de l’École Normale Supérieure, du Collège de France, de l’École Supérieure de Physique et de Chimie Industrielles de la ville de Paris et de l’Institut de Biologie Physico-Chimique ont mené des travaux afin de détourner une partie des électrons de la photosynthèse et de la respiration à des fins de conversion énergétique ou de synthèse chimique. Ce projet a intégré des concepts et l’expertise dans le domaine de la biologie, de la chimie, de la physique, de la chimie des matériaux et également de l’ingénierie des microsystèmes.

Un premier axe de ce projet visait l’amélioration du rendement de la photosynthèse en accélérant certaines étapes de transfert électroniques ayant lieu au-delà du photosystème II (oxydation de l’eau). En parallèle a été étudiée l’optimisation des microorganismes vis-à-vis de la conversion énergétique. L’immense diversité des microorganismes laisse en effet entrevoir un potentiel que les technologies classiques ne peuvent explorer. De nouvelles approches d’échantillonnages de microorganismes ont émergé depuis ces dernières années nourries par les connaissances sur les émulsions et les systèmes fluidiques au sens large. Les équipes impliquées dans le défi disposaient des compétences reconnues dans le domaine des technologies dites « digitales ». L’exploration par ces approches des aptitudes de microorganismes à oxyder des substrats naturels organiques (incluant les déchets et polluants) et d’en extraire un courant électrique sera étudiée. La sélection des micro-organismes les plus efficaces permettra en retour d’améliorer la connaissance des lois et phénomènes régissant les transferts d’électrons dans ces microorganismes.