Les plantes ont développé de nombreuses stratégies pour s’adapter à leur environnement. Dans une étude interdisciplinaire publiée dans la revue Current Biology, des chercheurs ont montré que le noyau de la cellule devient plus dense et plus rigide en réponse à la sécheresse. Cette réponse, qui implique un régulateur de l’enveloppe nucléaire, et conduit à une forte expression de gènes qui confère à la plante une résistance au stress.
La cellule de plante comme toute cellule eucaryote est capable de percevoir les signaux environnementaux et de transmettre l’information au noyau pour induire une réponse adaptée. Jusqu’à présent, cette réponse au niveau du noyau n’avait été abordée qu’au niveau de l’expression de gènes (contrôle épigénétique, transcription de gènes).
Dans le cadre d’une collaboration interdisciplinaire, initiée par un projet « défi du CNRS MECANOBIO » impliquant deux instituts du CNRS (INSIS et INSB), les chercheurs ont étudié la réponse à un stress hyper-osmotique chez la plante modèle Arabidopsis thaliana. Ce stress, induit par le sel ou le sucre, mime le stress physiologique subi en cas de sècheresse. En visualisant un marqueur de l’enveloppe nucléaire par imagerie du vivant, ils ont montré que le noyau des cellules racinaires change de forme lors du stress. Grâce à l’utilisation de techniques physiques, comme la micro-rhéométrie, les chercheurs ont pu évaluer les propriétés mécaniques du noyau, qui devient plus rigide et compact dans ces conditions. Cette réponse est associée à l’induction de gènes mécano-sensibles permettant à la plante de résister au stress, notamment en modifiant leur paroi cellulaire.
Toutes ces réponses étant réversibles, le noyau se comporte ici comme un rhéostat mécanique. La petite protéine multifonctionnelle GIP/MZT1, localisée à l’enveloppe nucléaire, régule négativement ces réponses : sa déficience entraîne une réponse permanente au stress hyper-osmotique. De ce fait, les noyaux dans les cellules mutantes ont déjà acquis la compétence de s’adapter au stress et confèrent aux plantes une plus grande résistance au stress hyper-osmotique, ce qui limite, notamment, les effets de sénescence au niveau de leur système foliaire.
Ces résultats ouvrent une nouvelle voie de recherche sur le rôle de l’enveloppe nucléaire dans la perception des contraintes environnementales et permettent de mieux comprendre comment les plantes résistent au stress hydrique.
© A. Asnacios INSIS (images A-B)
© ME Chabouté INSB (images C-F)
Figure : A-B Compression d’un noyau sauvage (WT) coloré au DAPI pour effectuer une mesure de rigidité par micro-rhéométrie. Le noyau isolé est placé entre 2 micro-lamelles, l’une souple de rigidité calibrée (lamelle haute) et l’autre rigide (lamelle basse). Images avant (A) et après (B) compression. Les déformations relatives du noyau et de la lamelle souple permettent de mesurer le module élastique du noyau. Echelle 5 µm.
C-D Visualisation de la forme des noyaux dans une pointe de racine d’Arabidopsis en microscopie confocale. L’enveloppe nucléaire est visualisée par un marqueur fluorescent (vert) et le pourtour des cellules est révélé par coloration à l’iodure de propidium (rose magenta) . En condition contrôle (C) le noyau a une forme ronde. En condition de stress hyper-osmotique (0.3M mannitol), le noyau se déforme. Echelle 5 µm
E-F Résistance des mutants gip1gip2 à un stress hyper-osmotique important. A 0.4 M mannitol, les mutants présentent des feuilles bien vertes (F) par rapport à une plantule sauvage (E) qui montre des feuilles sénescentes. Echelle 2mm.
Contacts
Atef Asnacios
Olivier Hamant
Laboratoires
Institut de biologie moléculaire des plantes (IBMP) – (CNRS/Université de Strasbourg)
12, rue du général Zimmer 67084 Strasbourg cedex
Laboratoire Matière et Systèmes Complexes (MSC) – (Université de Paris/CNRS/Université Paris-Diderot)
10 Rue Alice Domon et Léonie Duquet, 75013 Paris
Reproduction et développement des Plantes (RDP) – (ENS Lyon/INRAE/CNRS/univ Claude Bernard)
46 allée d’Italie 69364 Lyon cedex 07